Journée mondiale de la femme

Chaque année nous célébrons la femme, les femmes. Un jour entier durant le mois de mars. Bien des personnes à la célébrité indéniable s’expriment à ce sujet. De nobles combats, d’houleux débats, occupent alors la scène médiatique avec ferveur et fougue. Grâce à elles, les mentalités évoluent, les lois s’ajustent. Je n’ai pas ce poids, pas cette portée d’action mais je suis une femme. J’aimerais partager cela avec vous.

Etre une fille

Je suis née en 1986 et apparemment, nous vivions à une époque de liberté culturelle et idéologique. Etre une fille dans les années 80, c’était baigner dans un grand nombre de stéréotypes. Je n’ai pas été élevée dans le culte du genre mais pourtant, les fillettes de ma génération portaient des couettes, des jupes et des sandalettes. J’ai entendu bien des fois de la part de mon entourage des injonctions « à ne pas montrer ma culotte » parce que cela ne se fait pas quand on est une fille. J’ai appris à me tenir droite, propre et avoir un langage châtié puisque les filles, elles, ne jurent pas.

À Noël, j’ai reçu un nombre incalculable de poupées, de Barbies et j’ai grandi en trouvant mon corps difforme en comparaison du leur. J’ai observé avec horreur que contrairement à elles, mes cuisses se touchaient et mes fesses ne tenaient pas seules. Quelques fois, j’ai reçu du maquillage en cadeau mais seulement pour se déguiser car même nous les petites filles, nous sommes des allumeuses consentantes. D’ailleurs, si vous écoutez Françoise Dolto en 1979 « ici » ou cette bonne vieille Catherine Schaeffer « ici » , l’inceste paternel, rend seulement une fille débile, ce n’est pas tellement sérieux, en somme. L’inceste n’empêche pas une enfant de s’épanouir en tant que femme. Alors pourquoi se priver ? J’ai eu beaucoup de chance d’avoir une famille et un père respectueux des filles, des femmes. Mais quid des autres ? Que sont devenues les fillettes qui ont grandi en entendant de tels propos ?

Etre une petite fille en 1986, c’était faire un sport de garçon en choisissant la pratique du judo. C’était combattre contre lesdits garçons qui ne voulaient pas perdre contre une fille. Etre une petite fille en 1986, c’était devoir prouver deux fois plus au monde, que nous pouvions faire la même chose que les petits garçons. Ainsi, après tout ces efforts seulement, à nous la gloire d’être qualifiée de « garçon manqué » . Une fille qui demande l’égalité ne peut être qu’un garçon manqué, n’est-ce pas ?

Etre une jeune fille

Nous arrivons à l’aube des années 2000. J’ai 14 ans et je suis une adolescente. Ma plus grande peur, c’est d’être traitée de pute. Il est vrai que lorsque notre poitrine apparait et qu’il faut porter un soutien gorge, les choses se compliquent. Si le soutien gorge se voit, c’est vulgaire, c’est pour être sexy. S’il ne se voit pas, c’est qu’il n’y en a pas, c’est vulgaire, on voit tout. Les adolescentes évoluent dans un paradoxe vicieux mais constant. Une jeune fille doit avoir des formes sinon elle est en retard. Pourtant, il faut cacher ces formes, pour ne pas être une allumeuse. Si un drame arrive, la fille sera la responsable, elle n’avait qu’à pas provoquer les garçons. C’est une époque où nous annonçons avec fierté que « ça y est on les a, les règles » et puis aussitôt après il faut se cacher. La peur de la tache ? Même les fabricants de serviettes hygiéniques en ont fait leur beurre. En vérité, il n’y a aucune place, aucun choix en tant que jeune fille. Vous embrassez un garçons, vous êtes une fille facile. Vous jouez au foot, vous êtes un garçon manqué, vous jouez encore aux Barbies, vous êtes une gamine. Et après ? Il faut avoir des seins fermes, des fesses généreuses, une taille fine et des cuisses qui ne se touchent pas, des attaches délicates, ne pas provoquer de garçons, ne pas se montrer, ne pas se cacher, faire profil bas. Etre une jeune fille c’est maitriser l’art d’exister sans exister.

Etre une femme

Malgré ce qui précède, être une femme, ce n’est pas plus réjouissant. Pour une fois, j’ai choisi le parcours classique : grand amour, mariage, maison, maman, pas dodo. Ainsi, j’ai accepté d’endosser tous les rôles à la fois. Pour attirer les compliments, pour accéder à la reconnaissance sociale, voici mes devoirs :

  • travailler (il ne faudrait pas vivre entretenue, après tout les femmes se sont battues pour leur indépendance) ;
  • m’occuper des enfants (je les ai voulus alors attention c’est bienveillance, sinon rien) ;
  • m’occuper de la maison (c’est la moindre des choses) ;
  • ne pas me négliger (une femme prend soin d’elle) ;
  • être une bonne épouse (prendre soin de son homme c’est le minimum) ;
  • être toujours de bonne humeur (l’hystérie féminine, on en cause ?) ;

Et bien , figurez-vous que chez nous cela ne fonctionne pas ainsi : mon mari fait la moitié du boulot. Je pourrais me réjouir mais non. Pourquoi ? Car j’entends encore trop souvent « Quelle chance tu as d’avoir un mari gentil qui t’aide ? » Alors non, je vous arrête tout de suite, mon mari ne m’aide pas, il prend sa part et sa place dans la famille. Oui, je mesure ma chance de l’avoir mais j’aimerais tellement, que vous ayez toutes cette chance.

Ce n’est pas la majorité. Autour de moi, les femmes souffrent plus que jamais de dépression, de burn-out, de violences physiques et psychologiques. Trop souvent, encore en 2024, si elles portent plainte, elles deviennent des coupables, rarement des victimes.

Quant à celles qui choisissent d’autres plans ? Ce n’est guère mieux. Choisir de ne pas avoir d’enfant, comment est-ce encore possible ? Dès la vingtaine, la pression sociale explose : « C’est quand que tu nous fais un petit ? » et autres « Les femmes qui ne veulent pas d’enfants sont égoïstes, carriéristes ! L’évidence se trouve devant nos yeux, si nous possédons un utérus, c’est pour s’en servir ! Sinon c’est du gaspillage !

Et les femmes qui aiment les femmes ? Celles-là restent probablement les pires : des mal baisées, qui n’ont sûrement jamais rencontré un homme, un vrai !

Etre une dame âgée

Vous pensiez accéder à la tranquillité et à la douceur de la vieillesse ? Ne vous faites aucune illusion. Ne croyez pas que votre peau ou vos fesses aient l’autorisation de se relâcher : il faut rester belle ! Belle, active et empathique. Faire de la marche suédoise avec vos cheveux gris, souples et brillants qui dansent le vent. Et puis, il faudra être une bonne mamie. D’ailleurs, évitons le mot « mamie », ça fait vieux. Vous n’allez quand même être une vieille, vieille ! Il faut rester jeune. Heureusement, les crèmes anti-rides, le botox et la liposuccion se sont démocratisés. Vous avez enfin la possibilité de devenir quelqu’un d’autre. Après une vie passée à n’être jamais à la hauteur, jamais assez, toujours trop, je comprendrais cette envie d’être une autre.

Sinon ? Si vous choisissez de vous en tamponner, j’ai quelque chose à vous dire, les copines.

Une petite fille n’a pas à se justifier, elle est une enfant, juste une innocente enfant.

Une adolescente, une jeune fille n’est pas une pute. Elle vit ses envies, et ses désirs ont la même valeur que ceux des hommes. Elle mérite d’exister sans justifier ses choix et ne porte pas la responsabilité des actes des hommes.

Une femme n’a aucun standard à s’imposer, chacune prend sa propre direction.

C’est ok :

  • de ne pas vouloir d’enfant, d’en avoir et de se plaindre quand c’est difficile ;
  • d’être moche et fatiguée le matin et de sortir moche et fatiguée le matin sans avoir honte ;
  • d’être égoïste et de se choisir soi, parce que personne d’autre ne le fera pour vous ;
  • de demander de l’aide, de pouvoir être une victime entendue et écoutée ;
  • de ne pas être celle que l’on voulait, celles qu’ils voulaient ;
  • d’avoir des kilos en trop, d’être trop maigre ;
  • d’avoir des rides, des cheveux blancs, la peau molle, les fesses flasques ;
  • de parler comme un homme, de faire un sport de garçon, de ne pas avoir de genre, d’être soi ;
  • de dire oui aux hommes, puis de dire non, d’être respectée ;
  • de ne pas se forcer si l’on n’a pas envie de faire plaisir ;
  • de ne pas ranger la maison, d’avoir des piles de linge sale, des vitres pleines de doigts, de la poussière sur les meubles ;
  • d’avoir des enfants cracra, en pyjama qui ont parfois un peu trop d’écran, un peu de solitude pour imaginer ;
  • d’être une femme qui a choisi son travail ou qui s’est choisie elle, envers et contre tous ;
  • de pleurer et d’être hystérique, même quand l’on n’a pas ses règles ;
  • de vouloir se sentir belle, de prendre soin de soi, seulement de soi ;
  • de rechercher le bonheur et la sécurité, d’être heureuse et en sécurité ;

Ne lâchez rien.


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