Une grossesse à l’américaine

Comment réussir sa grossesse aux États-Unis ?

Dans les épisodes précédents, je vous ai relaté l’histoire de mon fils. Nous avions toujours eu le projet d’agrandir la famille sans réellement se fixer de timeline.

Il se trouve que mon mari et moi possédons un goût prononcé pour la nouveauté et les expériences inédites. Alors que  nous avions enfin acquis un logement, un téléphone et des meubles, nous avons commencé à nous ennuyer. Et si nous faisions un deuxième enfant dans un pays étranger alors que je ne parle pas correctement la langue ? Mon mari a accueilli l’idée avec enthousiasme ! Quelle excellente opportunité d’intégration que de concevoir un petit américain !

Prendre la décision de faire un enfant à l’étranger

Si je m’étais écoutée, à peine ma brosse à dents et mon pilulier déposés, je me serais lancée. La patience ce n’est pas mon fort mais je me soigne. En plus, si j’écoute ma mère, le deuxième est toujours pire que le premier. Aurait-il fallu tout annuler ? Eh bien non, nous avons décidé de procréer en Californie. Je m’en excuse mais je me refuse à toute apologie de la luxure et je commencerai mon histoire après ladite conception. Il n’est pas question de porter atteinte au puritanisme ambiant. Je m’exprimerai donc par métaphore : PAF, un matin, on a fait un Chocapic !

Etre enceinte en Californie puis dans l’état de New-York

Beaucoup de bols de céréales banales ont été consommés avant de tomber sur le Chocapic. Après des mois d’alimentation céréalière, nous avons projeté de partir en voyage au Mont Shasta afin de se détendre. L’homme était invité à une conférence dans l’Orégon et nous projetions de faire les 7 heures de trajet en voiture. Nous avions loué une cabine perdue dans la nature afin de nous ressourcer. A peine arrivée j’ai découvert la beauté du lieu. Des champs à perte de vue plantés de singulières plantes. Ledit propriétaire flatté par mon engouement m’a alors fièrement annoncé que nous nous trouvions dans un lieu de culture de cannabis médicinal.

-Quelle coïncidence, moi qui suis stressée ! ai-je déclaré

-Mé-di-ci-nal, tu as entendu ? m’a répondu l’homme indigné

Pour le contexte, il faut mentionner que c’est à ce moment précis que mon cycle avait décidé de se dérégler. Après trois tests de grossesse négatifs, j’ai accepté l’idée que j’avais seulement du retard. Pourtant dans cet environnement de quiétude parfaite, j’ai commencé à m’inquiéter. Enfin non, je n’ai pas commencé car je suis inquiète perpétuellement et ce, depuis toujours. J’ai donc continué à m’inquiéter de manière croissante. La deuxième nuit, j’ai dû m’aventurer dehors pour éviter la pestilence des toilettes sèches de la cabane. C’est à ce moment précis, essayant d’éviter la clôture électrique des lamas (oui le propriétaire élevait aussi des lamas, non médicinaux), que j’ai cédé à la tentation de faire un 4ème test de grossesse. Aux aurores, j’ai demandé à ma moitié de me conduire à la pharmacie la plus proche. Il a donc parcouru 50 km pour en trouver une dans cet endroit retiré du monde.

Et paf :

L’américaine s’est pointée. Moi qui comptais profiter de la plage, du vin et des fruits de mer, parfait timing. Heureusement, une grossesse aux USA, il n’y a pas plus simple car tout est javélisé, triplement stérilisé, débactérisé, emplastiqué. Pas de question superflue, il n’y a qu’à déballer et manger ! Avec tout le cheesecake que j’avais appris à synthétiser ces derniers mois, j’ai passé le glucose-test haut la main.

Je me rappelle de mes suivis gynécologiques en France. Ils se sont soldés par un abonnement au club des traumatisés de la visite annuelle chez le gynécologue.

Angoissée de traverser la salle du gynécologue les fesses nues ? Pas de ça aux États-Unis ! Ici, c’est drap sur le corps et cape du super-héros de la pudicité.

Dégouttée des touchers vaginaux multiples et des vérifications invasives lors des examens ? Le seul col que j’ai montré en 9 mois, c’est celui de ma chemise de nuit.

Anxieuse de prendre trop de poids ? Ici, c’est :  » Honey, you are doing so good, so far ! « 

J’aurais presque cessé de m’inquiéter si je n’avais pas reçu la liste de factures exorbitantes des soins effectués.

Quoi mais qu’elle est cette sorcellerie ? Une grossesse ce n’est pas gratuit dans ce pays-là ? Il semblerait que la sécurité sociale soit un sacré avantage, finalement. Qui l’eut cru alors que les français s’en plaignent tellement ?

Malgré ces quelques milliers de dollars dépensés, la première partie de ma grossesse fut classique. L’homme m’accompagnait à la plupart des rendez-vous pendant que des amis gardaient number 1. L’homme est devenu mon traducteur attitré.

C’est à ce moment que la proposition de Rochester est arrivée. Nous avons toujours su que nous ne resterions pas en Californie. Nous n’en avions ni les moyens, ni le projet.

Quand enceinte de 7 mois, mon mari a reçu l’offre d’un laboratoire à Rochester, nous avons eu envie de l’accepter. Tant qu’à rester aux Usa seulement deux ans autant voyager. Pour la seconde fois en un an, nous avons fait nos valises et empaqueté nos meubles (cette fois-ci) !

Accoucher dans un hôpital public américain

De notre arrivée à Rochester, je pourrais en parler des jours entiers. De l’hôtel au milieu de nulle part sous une neige incessante. De mon fils a occuper toute la journée dans une chambre de 10m². Des allers-retours de mon mari en Californie pour terminer son contrat. J’ai eu tellement peur d’accoucher là, dans cette ville où je ne connaissais personne, avec mon fils qui me tient la main dans la salle de délivrance. Heureusement mon col est digne de celui du Tourmalet ! S’en est suivie la location de notre maison, le rapatriement des meubles retardés et le matelas gonflable. Dormir sur un matelas gonflable à 8 mois de grossesse est une expérience hors du commun. De l’art de rouler dans le trou du milieu de 100 façons possibles. Les débuts de mon homme dans son nouveau laboratoire, alors que je n’avais pas le permis. Les bus avec mon ventre proéminent pour me rendre au consultations médicales et les préparations à l’accouchement. Préparations auxquelles je n’ai tellement rien understandé que j’aurais pu me trouver aux alcooliques anonymes sans même le savoir.

Et l’envie d’assassiner mon père qui me répétait :

-Il te suffira de pusher, c’est pareil qu’en français.

Je vous avoue que j’ai vraiment paniqué. Je me suis demandé ce qui m’était passé par la tête. Surtout au moment où j’ai attrapé la grippe A et fait une poussée (histoire de m’entrainer) de fièvre à 41°C. Je relativise, j’ai découvert les urgences en avance. Maintenant je sais que même le paquet de crackers apporté pendant une crise d’hypoglycémie se paie sur la facture !

Finalement, la gynécologue a décidé de me déclencher dès le terme car mon bébé restait très petit. Nous avons planifié l’accouchement : 6 heures du matin, 18 février, Strong Memorial Hospital. Nous avions tout prévu. Number one déposé sur le chemin chez des amis, et roule ma poule. Ben non. A minuit, le travail s’est déclenché, l’enfant a été réveillé en catastrophe, les amis aussi. Nous avons bourré les sacs dans la voiture, en pleine nuit accompagnés par le blizzard local.

Rochester par temps chaud en février

Je peux vous dire sans vous spoiler, que pusher n’a pas suffi. Je reste profondément marquée par mon accouchement aux USA. Doit-on attribuer la faute à la péridurale ratée qui m’a paralysé l’hémicorps droit ? A l’incompréhension des consignes des médecins qui n’avaient pas mis les sous-titres comme sur Netflix ? Au changement d’équipe qui a dû croire qu’en France on accouchait toute seule ? Ou peut-être à la vision du pied totalement déformé de ma fille quand j’ai enfin pu la prendre dans mes bras ? Ou alors serait-ce la responsabilité de la grippe qui a empêché mon mari et mon fils de venir nous voir régulièrement ? Ou enfin, l’ahurissement ressenti face au tableau de la femme « pain challenger » du mois qui a réussi à accoucher dans la douleur sans médicament.

J’hésite. Heureusement, ici les tourments ne durent pas. Après un accouchement aussi onéreux, on est vite renvoyé chez soi. Les consignes sont claires, faire des économies. Et le moins cher, c’est dehors.

C’est un mal pour un bien car j’ai fait l’expérience de la solidarité. Les petits plats cuisinés et amenés par les amis, les attentions des voisins, les cartes de vœux. Car aux USA, les gens aiment VRAIMENT les enfants. J’ai pu saisir pleinement la portée de cette expression :  » It takes a village to raise a child. » Nous avons bénéficié de tous les égards et de toute la bienveillance imaginable. Et cela même lors de notre retour à l’hôpital quand il a fallu soigner le cou et le pied de notre fille.

C’est peut-être à ce moment que nous sommes tombés amoureux de Rochester. A ce moment même où nous avons eu le sentiment d’appartenir à un endroit, d’avoir trouvé une place. Nous ne l’avons compris que plus tard, de retour en France. Pourtant au fond, nous avons toujours su que nous reviendrions.


Commentaires

Une réponse à « Une grossesse à l’américaine »

  1. Il y a 34 ans et c’ etait pas comme à présent je me suis trouvée dans la même situation que toi quand j ‘ai quitte la France pour le reve Americain, anceinte de 6 mois ne parlant pas anglais et ne connaissant personne ici. Mon mari devant tout traduire de A a Z.

    Je connu et j’ ai vecu les incertitides, les inconnus et j’ ai decouvert les bons et mauvais coté de l ‘atlantique.

    C’ est seulement quand on quitte son pays pour un autre que l’ on peut juger et comprendre ou on est le mieux.

    C’ est ça l’ aventure!

    J’aime

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